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Nos carnets de voyage
jeudi, 21 septembre 2023
A l’occasion de mon dernier voyage en Thaïlande en avril 2023, j’ai pu approfondir ma connaissance du circuit des pierres, notamment celui en provenance du Mozambique et de Zambie.
En effet, grâce à mon réseau de fournisseurs locaux j’ai pu être mis en relation avec quelques uns des gros négociants de la place. Ceux-ci sont en contact direct avec des firmes internationales qui exploitent une grande part des mines de pierres de couleur en Afrique.
L’extraction des pierres et le marché du brut
La société britannique Gemfields et plus récemment dans une moindre mesure, la société canadienne FURA créée en 2017, détiennent via des concessions obtenues du gouvernement mozambicain, l’exploitation du rubis au Mozambique. Gemfields a, de plus, quasiment un monopole sur l’émeraude de Zambie, FURA exploitant de son côté des mines d’émeraudes en Colombie. Ces sociétés ont mis en place des moyens d’extraction considérables, dans de grandes mines à ciel ouvert, et organisent en aval le marché du brut.
Par ce monopole, elles fixent les prix et vendent les pierres brutes en lots, en enchères fermées, à quelques gros négociants dans le monde. Ceux-ci investissent des millions de dollars par an sans connaitre les prix que proposent leurs concurrents. C’est donc au plus offrant et à celui qui pourra régulièrement se positionner. Il leur faut ensuite tailler et vendre avec un certain rythme pour écouler leurs pierres taillées et pouvoir se positionner de nouveau sur les nouveaux arrivages de bruts. A défaut, d’autres prendront leur place.
Vous pouvez voir ici un lot de saphirs bruts australiens classés par qualité, vendus par la société FURA, observés chez un gros négociant à Bangkok. Ils seront ensuite taillés en Thaïlande et vendus à distance ou sur des salons internationaux comme celui de Hong-Kong.
Ci-dessous, des rubis taillés et calibrés dans des tailles standard.
Aujourd’hui environ 80% de la production mondiale de rubis vient de la mine de Montepuez (ouverte en 2012, d’une surface de + de 34000 ha) au Mozambique et c’est le cas aussi pour les belles émeraudes qui viennent principalement de Zambie (mine de KAGEM, de 41 km²). Elles font concurrence aux émeraudes de Colombie, par leur cristal très pur et lumineux. On trouve plus facilement des émeraudes zambiennes d’une grande pureté que les colombiennes qui souvent présentent beaucoup de givres (impuretés et « cracks » en surface qui sont autant de zones de fragilité). Quant aux émeraudes brésiliennes, elles sont plus fréquemment « améliorées » avec des résines.
Parallèlement aux gros acteurs tels que Gemfields qui, comme on l’a vu, détient une bonne partie du marché du rubis et de l’émeraude d’Afrique , il existe des marchés plus petits notamment en Tanzanie (marché de pierres à Arusha) où l’on trouve des pierres fines telles que spinelles, grenats, tourmalines, notamment les tourmalines « paraïba », (nom d’une mine au Brésil où elles ont été découvertes) qui une fois chauffées peuvent obtenir un bleu turquoise avec un éclat étonnant (elles peuvent atteindre plusieurs dizaines de milliers de dollars par carat !).
Le négoce d’émeraudes zambiennes : retour d’expérience …
Lors de mon voyage en avril, j’ai pu traiter directement avec des indiens qui eux-mêmes négocient avec la société Gemfields. Les indiens ont un très grand savoir-faire dans la taille et le négoce des émeraudes notamment au Rajasthan où les Maharajas en étaient friands. Jaipur reste un lieu réputé pour la taille de l’émeraude. C’est aussi un marché important pour les pierres de couleur.
Cette famille indienne rencontrée à Bangkok possède à la fois des ateliers de taille à Jaipur et des bureaux commerciaux à Bangkok et à Hong-Kong.
Dans leur bureau à Bangkok, j’ai pu voir des centaines d’émeraudes défiler sous mes yeux notamment des qualités exceptionnelles que je n’avais jamais observées. Le danger dans l’achat des pierres de couleur face à un gros fournisseur est de commencer par voir des qualités moyennes et petit à petit monter en qualité pour finir sur les plus belles. Les premières pierres finissent par vous paraître sans intérêt et vous risquez de ne vouloir prendre que les plus rares. C’est notamment vrai dans l’émeraude où l’on passe de nombreux paliers de qualité, d’une pureté à une autre, et d’une teinte à une autre.
En effet les émeraudes en général, sont connues pour être très « habitées » de givres qu’on nomme de façon poétique, le « jardin de l’émeraude ». On tolère donc un certain nombre de givres dans les émeraudes à condition qu’ils ne jaillissent pas trop en surface et ne forment alors des micro fissures (dont il faudrait se méfier au moment de sertir la pierre sur un bijou).
En étudiant des émeraudes de Zambie, on peut se laisser surprendre par des pierres étonnamment pures et cristallines (plus elles sont pures, plus le cristal va paraître net et lumineux) et il devient tentant de vouloir voir toujours plus beau. Les prix grimpent en conséquence et atteignent, rapportés au carat (l’unité de poids des pierres), des montants conséquents. La teinte « menthe à l’eau » est très recherchée. Si celle-ci est bien prononcée, le prix au carat augmentera encore.
Habituellement je fais en sorte d’acheter des qualités qui correspondent aux commandes de mes clients ou aux attentes du marché français. Toutefois parfois, notamment dans le cas de l’émeraude, je vais acheter des qualités spécialement rares pour faire découvrir des spécimens peu vus en France. Cela me permet aussi de présenter des émeraudes moins fragiles (car très pures) et avec un éclat rare ..
.. et une petite anecdote de ce voyage :
Alors que j’arrivais de nuit dans une gare routière déserte d’une petite ville du sud-est de la Thaïlande où se déroule chaque week-end un marché de pierres, j’ai fait une rencontre amusante. Je cherchais désespérément un motodop (taxi-moto) ou un tuk-tuk mais étant donné l’heure tardive je ne trouvais personne pour m’emmener vers mon petit hôtel boui-boui habituel. C’est alors que j’ai aperçu un ivoirien chargé d’une grosse valise m’annonçant que son frère venait le chercher avec son pick-up. Il avait fait le trajet en bus comme moi depuis Bangkok mais arrivait directement de bien plus loin, c’est à dire de Tanzanie où il avait négocié des pierres brutes dans le but de les vendre à des Thaï.
En effet la majorité des pierres de couleurs dans le monde transitent par la Thaïlande pour être taillées et vendues. Cette petite ville de Thaïlande, en plus de son marché de pierres, possède de nombreuses manufactures de taille.
Pendant qu’il chargeait sa grosse valise de pierres brutes dans le coffre du pick-up, son frère m’a invité à grimper à la place du passager et j’ai eu la surprise d’étendre mes pieds dans des sacs de pierres (!). Ils m’ont déposé devant mon boui-boui et m’ont proposé de les retrouver après la nuit dans leur bureau pour voir leurs marchandises. Le lendemain, après quelques essais infructueux de mon taxi-moto, j’ai fini par atterrir dans leur repère planqué loin du centre. J'ai profité alors des discussions pimentées des 2 frères, celui acheteur de pierres en Afrique et l’autre se chargeant de vendre le brut localement.
En échangeant avec eux, j’ai compris la difficulté pour ces ivoiriens de profiter pleinement du marché de la pierre de couleur. Comme de nombreux africains, ils ont l’espérance que se crée une place de marché international en Afrique pour mieux valoriser leurs pierres plutôt que de devoir vendre leur brut en Thaïlande, avec des taxes à l'exportation et à l'importation parfois prohibitives pour de petits marchands. Il existe des marchés relativement importants en Afrique notamment à Arusha en Tanzanie mais tout n’est pas organisé pour en faire « une plaque tournante" de la pierre de couleur comme Bangkok.
En Thaïlande, la taille est réservée aux Thaïlandais qui vont faire de meilleurs profits une fois la pierre mise en valeur. Le système de taxe locale en Thaïlande assomme parfois les africains installés sur place. Certains contournent ces difficultés en s’alliant avec des familles thaïlandaises.
Lot de tourmalines principalement ..
Comme vous pouvez le voir, le circuit des pierres de couleur et la façon dont s’intègrent les différents acteurs sont complexes et pas normés contrairement au diamant. En effet il existe un cours du diamant « le Rapaport » où évoluent les prix par typologie de diamant (forme, poids, pureté et blancheur). Ce n’est pas le cas pour les pierres de couleur.
Lot de spinelles ..
Je reste à votre disposition pour échanger sur ces différents sujets et pour vous montrer mes émeraudes de Zambie ! ✨
A bientôt !
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Lumière écrasante, chaleur tropicale ... j’émerge des profondeurs humides d’une mine, perdue au milieu de cette exubérante région montagneuse du Sri Lanka.
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