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Nos carnets de voyage
vendredi, 10 septembre 2021
A l’occasion d’une formation en gemmologie à Bangkok en 2010, j’ai suivi en parallèle un stage de taille de pierre chez un lapidaire Thai d’origine cambodgienne. Bangkok est la place idéale pour ce métier, la plupart des pierres de couleurs brutes du monde entier atterrissant ici pour la taille et le négoce.
J’ai donc passé 3 semaines dans ce petit atelier familial, rudimentaire, pour apprendre les bases du facettage des gemmes, opération essentielle pour mettre en valeur un brut.
La première opération consiste à observer la forme du cristal trouvé dans la nature et à en déceler sa forme de cristallisation* d’origine et l’axe de formation de ce cristal. En effet, le lapidaire doit tenir compte de cet axe pour ne pas risquer de créer des zones de fragilité une fois la pierre taillée et pour optimiser la couleur. La plupart des pierres de couleur étant « minées » dans des gisements dits secondaires, c’est à dire alluvionnaires (à la différence de primaires = « roche mère »), la nature est donc passée par là, le brut a été poli par les différents éléments, il n’est donc pas facile de voir sa forme d’origine.
Une fois la pierre observée et éventuellement marquée de repères au feutre, l’étape qui en découle s’appelle l’ébrutage ou le pré-formage. A la main, entre les doigts, on passe directement la pierre brute sur une meule mouillée pour dégager une forme encore très grossière mais où l’on pourra déjà voir le positionnement de la pierre (la partie haute et la partie basse). Cette étape détermine toutes les suivantes, elle est donc lourde de conséquences. Un brut de très grande valeur n’est pas confié à n’importe qui. Les meilleurs lapidaires sont repérés par les gros négociants.
En 2ème étape, la pierre dégrossie va ensuite être positionnée sur le haut d’une tige en métal à l’aide d’un « ciment » (mastic) que l’on fait fondre sur un chalumeau, tout en faisant tourner dans ses doigts la tige pour lisser le mastic et obtenir un bon support pour la pierre. Celle-ci se retrouve scellée au mastic devenu parfaitement dur.
Cette tige va ensuite être intégrée a un axe en métal (+manche en bois) par une visse. Cette dernière permet de régler l’inclinaison de la tige pour réaliser les différentes facettes.
Lors de cette seconde phase, on va mieux « dessiner » le contour de la pierre pour faire ressortir de façon précise les différentes parties de la pierre (la table et la couronne pour la partie haute, la culasse pour la partie basse et le feuilleti, légère épaisseur qui fait la jonction entre partie haute et partie basse).
L’étape finale et non la moindre fera apparaître toutes les facettes de la pierre qui vont sublimer la transparence et l’éclat de la gemme. Sur le tour du lapidaire (table équipée d’un axe rotatif vertical entrainé par une poulie et un moteur) le plateau tournant recouvert de poussière de diamants sur lequel on vient poser la pierre, est divisé en 2 parties, une plus abrasive pour tailler les facettes et une autre plus douce pour polir les facettes. L’artisan passe donc son temps à passer d’une partie du plateau à l’autre pour tailler et polir.
Etant donné ce travail de très grande précision, les lapidaires s’équipent souvent de lunettes-loupes notamment pour les très petites pierres. Il faut de nombreuses années de pratique pour obtenir des facettes très régulières et pour tirer le meilleur d’une pierre précieuse ou d’une pierre fine (on ne parle plus de pierre semi-précieuse).
Durant mon stage étant donné mon statut de très jeune apprenti, je n’ai taillé que des pierres sans valeur, mon maître de stage était sympa mais pas fou !! Vous verrez sur certaines photos une pierre rose clair et pleine d’inclusions (la pierre n’a quasiment pas de transparence), il s’agit de la racine de rubis. La « roche mère » dans laquelle se développe les cristaux est pleine « d’éléments minéraux » qui peuvent se retrouver à l’intérieur des bruts, dans ce cas ceux-ci ne sont pas exploitables pour la joaillerie. A l’inverse une pierre dite de « qualité gemme » est suffisamment pure pour être facettée. Il existe aussi des matières de qualité intermédiaire qui pourront être mises en valeur par une taille « cabochon » (dôme poli sans facette).
Au milieu de la frénésie de Bangkok, ces heures écoulées dans cette petite ruelle calme en banlieue de la capitale ont été une vraie respiration. Cela m’a permis non pas d’être autonome pour tailler n’importe quelle pierre, loin de là, mais de comprendre le procédé et de savoir évaluer la qualité d’une taille.
A bientôt pour de nouveaux récits !
* chaque famille de gemme appartient à un système cristallin, il en découle une forme spécifique de cristal, par exemple une forme d'octaèdre (2 pyramides accolées) pour le diamant, une forme hexagonale pour l'émeraude .. Je pourrai développer les différentes formes cristallographiques dans un autre article.
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Lumière écrasante, chaleur tropicale ... j’émerge des profondeurs humides d’une mine, perdue au milieu de cette exubérante région montagneuse du Sri Lanka.
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